Génie civil nucléaire

Rapport de la mission post-sismique du séisme du 1er Janvier 2024 de Noto (Japon)

Publié le

Auteurs : Emmanuel Javelaud, Pierre-Yves Bard, François Dommanget, Filippo Gatti, Jesús Pérez-Herreros, Marguerite Mathey, Paul Quistin, Ludivine Saint-Mard, Jean-Philippe Tardivel, Boris Weliachew

Le lundi 1er janvier 2024, la péninsule de Noto, au Japon, a été frappée par un séisme de magnitude MJ 7,6 (Mw 7,5-7,6). L’épicentre se trouve à l’extrémité Nord-Est de la péninsule. Ce séisme a été ressenti avec une intensité JMA égale ou supérieure à six (6-, 6+ et 7) sur l’ensemble de la péninsule. Le séisme de Noto a provoqué 245 morts et 320 blessés graves. 8 754 bâtiments ont été détruits et 18 986 sévèrement endommagés. Il a généré un tsunami observé sur toute la façade Nord-Ouest du Japon, de Kyushu à Hokkaido. La zone concernée par des dégâts liés au séisme est très grande et de la liquéfaction des sols a été observée jusqu’à Niigata. Dans la foulée du séisme, le Bureau de l’AFPS s’est mobilisé afin de dresser un premier constat de la situation et d’évoquer la possibilité d’une mission post sismique d’observation sur site. A la suite d’une phase de pré-mobilisation, le Bureau de l’AFPS a décidé de lancer une mission virtuelle qui a initié les travaux préparatoires à la mission sur site en se concentrant sur différents thèmes : l’identification du contexte sismotectonique particulier lié à cette région, l’identification des mouvements sismiques à destination de l’ingénieur et leur détermination à partir du corpus réglementaire applicable au Japon, l’identification de comportements particulier des sols, les dommages subis par les habitations individuelles et les petits bâtiments, le comportement des grands ouvrages comme les barrages, les écoles, les hôpitaux, le comportement des réseaux et enfin, la gestion de la crise sismique dans le contexte particulier d’isolation géographique et la reconstruction dans les différents territoires touchés. Le 16 février, la mission de terrain a été confirmée. Elle s’est déroulée au Japon du 4 au 11 mars 2024. Il s’agit de la 4ème mission post-sismique AFPS au Japon, après celles des séismes de Hyogo-ken Nambu (Kobe, 1995), de Chuetsu-Oki (Niigata, 2007) et de Tohoku (2011 ; mission virtuelle). D’un point de vue sismologique, le séisme du 1er janvier 2024 est le séisme le plus fort connu à ce jour dans la zone de la péninsule de Noto. Le mouvement tectonique associé à ce séisme a entrainé la surrection de toute la péninsule, avec des déplacements verticaux pouvant atteindre 4 m notablement observés par l’assèchement de ports au Nord-Ouest de la péninsule, à proximité de la ville de Wajima. La mission a pu observer des indices de rupture de surface secondaire, en particulier près de Suzu avec des décalages verticaux pouvant dépasser le mètre. Les niveaux de sollicitations enregistrés par les réseaux accélérométriques correspondent dans l’ensemble aux caractéristiques de mouvement attendues pour un séisme crustal de magnitude Mw 7,5 au Japon. La géomorphologie de la péninsule est constituée de reliefs montagneux traversés par des axes routiers qui desservent de petits bassins sédimentaires où se nichent les principales villes de la péninsule. Des effets de sites sismiques ont été mis en évidence localement en particulier dans les petits bassins sédimentaires, comme au droit de la ville d’Anamizu. D’un point de vue géotechnique, c’est sans doute le phénomène de liquéfaction des sols qui est le plus marquant et qui a particulièrement touché soit des zones anthropiques (zones gagnées sur la mer ; zones où des matériaux sableux ont été mis en remblais comme à Uchinada) soit de petits bassins sédimentaires sensibles au phénomène de liquéfaction des sols en raison de leur nature. Sur la base de nos observations, les ponts autoroutiers sont restés pour l’essentiel opérationnels, et des axes traversant la péninsule étaient ouverts lors de notre visite, au prix de travaux de terrassements d’urgence au droit des glissements de terrain et de reprise des remblais d’accès aux ponts qui avaient systématiquement tassés. La gestion de l’urgence a été complexifiée par les difficultés d’accès des secours à cette zone rurale qu’est la péninsule de Noto : surrection cosismique et réseau routier coupé par de très nombreux glissements de terrain, météo défavorable, etc. En ce qui concerne les bâtiments en bois, les premiers enseignements de cette mission montrent que les maisons modernes récentes se sont bien comportées, alors que de très nombreuses maisons anciennes sont très endommagées voire effondrées. Un autre enseignement réside dans l’importance des dispositions constructives, en particulier concernant les liaisons diagonales poteau-poutre, le risque de flambement de diagonales élancées, et les assemblages de charpentier à compléter par des tiges travaillant en traction. Le bon comportement d’hôpitaux construits sur appuis parasismiques a également été observé. Pour les barrages, le retour d’expérience mondial a souvent démontré le bon comportement des barrages face à de fortes sollicitations sismiques et les observations réalisées ici sur deux barrages viennent alimenter le retour d’expérience positif. Ce rapport de mission post-sismique suite au séisme du 1er janvier 2024 dans la péninsule de Noto au Japon alimente le retour d’expérience post-sismique par les très nombreuses observations détaillées qu’il présente. De façon très concrète, les observations réalisées apportent un retour d’expérience qui peut être exploité à court terme pour le contexte français, en particulier en termes de : Contrôles à effectuer pour s’assurer de la fonctionnalité d’installations suite au séisme ; De retour d’expérience d’un contexte multirisque (aléas séisme, typhon, tsunami) et de gestion de l’urgence ; De retour d’expérience sur le comportement de barrages lors de séismes ; De retour d’expérience sur le comportement de pieux et de renforcement de sol lors de séisme ; De solutions innovantes éventuelles pour fonder.