OMEIR
ANR Chaire industrielle HEAT-COFFEE
Contexte
Les enjeux sociétaux, économiques et environnementaux liés à la fourniture d'énergie électrique sont d’une importance critique. Si, pendant longtemps, les besoins fondamentaux de tout être humain pour survivre étaient la nourriture, les vêtements et le logement, aujourd’hui, la tendance a changé et l'énergie électrique fait également partie des besoins fondamentaux. L'énergie électrique joue un rôle très important non seulement pour le bien-être et la survie des êtres humains mais aussi pour le développement des pays. L'économie et la croissance nationales dépendent largement de la disponibilité de l'approvisionnement en énergie électrique. En tant que besoin fondamental et matière première, l'énergie doit nécessairement être disponible à un prix compétitif et de façon régulière sans interruption et stable. Dans le cas contraire, une perte de productivité est attendue, affectant la croissance nationale et l'économie. L'actualité nationale et internationale récente montre malheureusement que l'énergie affecte fortement le pouvoir d'achat et joue un rôle stratégique dans les conflits internationaux.
Problématique
Le projet de recherche développé dans le cadre de la chaire Industrielle ANR « HEAT COFFEE », doté de 2 M€, financé à parts égales par l’Agence Nationale de la Recherche (ANR) et RTE (Réseau de Transport d'Électricité), a pour problématique l’évaluation de l’intégrité des fondations en béton des liaisons aériennes du réseau de transport de l’électricité. Ceci concerne les fondations des pylônes électriques, lesquelles sont soumises au vieillissement du béton, à ses pathologies et aux événements climatiques. Le réseau de RTE comporte 105 970 km de lignes aériennes, d’âge moyen de l'ordre de 50 ans ; cela représente 270 000 supports, pylônes et fondations, et quelques 400 000 km de conducteurs aériens ou câbles de garde, avec des espérances de vie au-delà de 85 ans. Le contrôle et le diagnostic de l’état de ces composants des liaisons aériennes est un enjeu vis-à-vis de la gestion des actifs de RTE, en particulier pour la planification des renouvellements ou de leur éventuelle prolongation d’utilisation. Derrière cette stratégie se cachent l’enjeu de la durabilité des infrastructures électriques et de leur impact environnemental, ainsi qu’un enjeu financier, le coût de remplacement des pylônes en particulier étant estimé à 2,7 milliards d’euro. Notons que remplacer l'ensemble des fondations du parc de pylônes représente une émission totale de 16,5 millions de tonnes équivalent CO2 et nécessite une énergie de 53 TWh, ceci en ne prenant en compte que le matériau !
Les fondations en béton, dont la construction et l'installation remontent au début du XXème siècle, sont le plus souvent inaccessibles et les dimensions et caractéristiques des fondations en béton ne sont pas toujours connues. Le vieillissement du béton et le développement de pathologies (qui peuvent se déclencher après plusieurs années et durer plusieurs centaines d'années) peuvent entraîner des problèmes de stabilité mécanique en cas de séisme ou d'actions climatiques extrêmes (tempête, sécheresse, inondation, canicule). Les 26, 27 et 28 décembre 1999, deux tempêtes exceptionnelles ont balayé la France. Près de 1 000 pylônes électriques ont été détruits ou gravement endommagés, 8 000 km de lignes ont été indisponibles et trois millions et demi de foyers ont été privés d'électricité.
Plusieurs études internationales imputent aux problèmes de qualité et de durabilité du béton les problèmes de stabilité des pylônes à haute tension ou aux inondations exceptionnelles. Il apparaît donc urgent de développer de nouvelles technologies pour inspecter les fondations en béton et les sols, de développer des modèles pertinents alimentés par des mesures in-situ pour prédire le comportement ultime des pylônes en cas d'événements climatiques extrêmes, malheureusement de plus en plus fréquents. En Norvège, près de 40% des coupures de courant sont liées à des événements météorologiques entraînant des coûts de 90 millions d'euros par an. Près de la moitié des accidents sont associés à des problèmes structurels. L’émission d’ARTE « L'envers du béton » nous a rappelé la confiance aveugle et illusoire dans le béton, un matériau qui était censé être éternel au début de la construction en béton.
Un projet à la croisée des sciences pour l'ingénieur
Pour développer des méthodes à même d’évaluer l’intégrité de ces fondations, le projet « HEAT COFFEE » s’appuie sur des compétences en mécanique, en Génie Civil, en mathématiques appliquées et intelligence artificielle (IA), et en instrumentation et traitement du signal dans trois laboratoires en sciences pour l’ingénieur de l’ENS Paris-Saclay : le LMPS (mécanique et Génie Civil), le Centre Borelli (mathématiques et IA) et le SATIE (instrumentation et traitement du signal). De telles méthodes d’évaluation nécessitent en effet de développer des systèmes de mesure appropriés, de modéliser et simuler les phénomènes en jeu (pathologies et vieillissement naturel des structures en béton, comportements mécaniques sous sollicitations climatiques extrêmes en lien avec le changement climatique, interactions ondes / milieu sondé), et d’interpréter des données massives.
Le projet recouvre à la fois des aspects expérimentaux et théoriques. À partir des travaux de recherche, l’objectif industriel est d’élaborer une stratégie de gestion des actifs des liaisons aériennes adossée à des outils d'aide à la décision pour gérer les fondations en béton des pylônes du réseau électrique, en tenant compte de leur état et des effets de l’environnement (sol et climat, en particulier en lien avec la recrudescence d’évènements climatiques majeurs). En adoptant une stratégie de maintenance pertinente, différentes études ont montré que les dépenses de maintenance pourraient être réduites jusqu'à 20%. Des synergies avec en particulier le projet MINERVE et la chaire GEOLEARNING ont été identifiées concernant la résilience aux changements climatiques et en particulier aux événements exceptionnels.
La chaire HEAT COFFEE offre l’opportunité à RTE d’approfondir les mécanismes d’endommagement des fondations en béton, qui pour certaines datent du début du XXème siècle, et ainsi de guider la stratégie de gestion des actifs des liaisons aériennes en apportant des critères objectifs aux décisions de renouveler, réhabiliter ou prolonger les fondations. Un plan de maintenance adéquat permettrait également d'éviter l'épuisement des ressources naturelles (énergie fossile/nucléaire et matériaux de construction), l'émission de gaz à effet de serre liés à la production d'acier et de béton et de réduire la vulnérabilité de RTE au regard de l’approvisionnement de ces composants.
HEAT-COFFEE dans politique de l'ENS Paris-Saclay
Pour l’ENS Paris-Saclay, le projet « HEAT COFFEE » est un projet particulièrement important. Il s’inscrit dans sa politique de soutien à l’enseignement et à la recherche orientée vers le développement durable adossée à des compétences transverses en sciences pour l’ingénieur. Il en est l’une des 3 actions phares :
• Diplôme ENS Paris-Saclay - Année de Recherche en Sciences pour les Transitions écologiques (ouvert en 2022).
• Chaire d'enseignement, de recherche et d'innovation PhLAMES (ENS Paris-Saclay/RTE) : Physique des Lignes Aériennes Modélisations, Expériences et Simulations (création : 2022).
• ANR Chaire industrielle « HEAT COFFEE » : Évaluation de l’intégrité des fondations en béton pour le transport de l’électricité (démarrage : juin 2023).
Organisation
- Durée : 2023-2027
- Porteur du projet : ENS Paris-Saclay.
- Titulaire-coordinateur de la chaire : Farid BENBOUDJEMA (ENS Paris-Saclay)
- Co-coordinateur de la chaire : Fikri Hafid (RTE).
- Structure d’accueil : laboratoire LMPS (Unité Mixte de Recherche Université Paris-Saclay, CentraleSupélec, ENS Paris-Saclay, CNRS).
- Partenaire industriel : RTE, le gestionnaire du réseau de transport d'électricité français.
Responsable scientifique
Equipe OMEIR
Farid BENBOUDJEMA
Professeur des universités